dimanche 14 janvier 2018

Barbara, une femme qui chante


Une petite cantate du bout des doigts
Obsédante et maladroite monte vers toi
Une petite cantate que nous jouions autrefois
Seule je la joue maladroite
Si mi la ré sol do fa 
En ce mois de février 2017, l'atmosphère parisienne bruissait d'un air entêtant. Une petite musique qu'on ne devait pas à Sagan cette fois mais à une autre âme.
Celle de Barbara, grande dame de la chanson – comme on aimait à dire sur les plateaux de feu l'ORTF  – étant partie voici pile 20 ans, les hommages commençaient à fleurir çà et là.

Le premier à ouvrir le bal fut le plus improbable et pourtant le plus évident, Gérard Depardieu. L'assassin même du spectacle Lily Passion, qu'ils jouèrent ensemble en 1985, dit simplement : "Je suis une femme qui chante."
Et le public, qui n'a pas toujours la vertu des femmes de marins, le crut.
Ainsi, comme une traînée de poudre de perlimpinpin, le Tout-Paris s'arracha les rares sésames disponibles pour s'engouffrer aux Bouffes du Nord, dans l'antre temporaire du dernier monstre sacré franco-russe.
Ce n'était plus un concert, encore moins un récital, mais une expérience unique quasi mystique et déjà mythique pour les élus.
Une petite prière mais sans un signe de croix
Quelle offense Dieu le père il me le pardonnera
Et puis printemps, été sont passés avant que l'automne ne résonne à nouveau des petits zinzins de la femme qui chante, plus que jamais, pour les enfants de novembre.
Nouveau tour de piste pour Depardieu, qui retrouve ainsi le goût du cirque, le vrai, celui des planches, de la sciure, de la sueur et des larmes aussi.
Le public, peuple de fidèles d'un rite à l'unique prêtresse, attend avec ferveur de renouveler cette intime communion au coeur du Cirque d'hiver.


A l'entrée du colosse au costume croisé, à la première note, avant qu'un seul mot ne soit prononcé, un immense frisson parcourt l'assemblée pour ne plus le quitter.
La voix douce et subtile, forte et amoureuse de Depardieu, accompagnée fidèlement par le piano de Daguerre, chante et raconte les vies de Barbara.
Peu importe les prompteurs qui épaulent l'artiste, le coeur est offert, la main est ouverte, le miracle – dont personne ne doutait – a lieu encore une fois.
Emotion si belle.
Ton image me hante, je te parle tout bas
Et j'ai le mal d'amour, et j'ai le mal de toi


Après l'hommage de ses hommes, il est plus que temps de refaire le voyage avec celle qui est entré dans la vie sous le nom de Monique Serf en ce 9 juin de l'année 30.
Ceux qui l'aiment prendront le tram pour la revoir et l'écouter à la magnifique et riche exposition que lui a dédiée Clémentine Deroudille à la Philarmonie de Paris.

Barbara à l'Ecluse, 1957, Robert Doisneau

Barbara des Batignolles au Châtelet, de Bobino à Mogador...
C'est la redécouvrir débutante à L'Ecluse, la voir tricoteuse espiègle en voiture au long de ses tournées, c'est aussi avoir la chance de pouvoir se poser chez elle, dans son jardin, à Précy, chanter encore et toujours "Dis, quand reviendras-tu ?" à Pantin dans cette mythique année 81.
Barbara amoureuse, rêveuse, exigeante, passionnée, magnifique, engagée auprès des enfants autistes, des femmes détenues, des malades du sida.
Barbara unique.
Dis, quand reviendras-tu?
Dis, au moins le sais-tu?
Que tout le temps qui passe ne se rattrape guère
Que tout le temps perdu
Ne se rattrape plus
Grande dame brune, elle est, elle était, elle sera une femme qui chante...

"Je ne suis pas une grande dame de la chanson, je ne suis pas une tulipe noire, je ne suis pas poète,
je ne suis pas un oiseau de proie, je ne suis pas désespérée du matin au soir..."

"Je ne suis pas une mante religieuse, je ne suis pas dans les tentures noires,
je ne suis pas une intellectuelle, je ne suis pas une héroïne, je suis une femme qui chante."

Barbara chez elle, rue de Seine, 1958, Georges Dugognon

Barbara chez elle, 1959, Mario Dondero
Manuscrit de la chanson Nantes



"Je ne suis pas – et je déteste le mot – 'auteur-compositeur'... [...] je fais des petits zinzins, comme cela, qui me vont..." Discorama, 25 octobre 1964

"'Quand avez-vous décidé de chanter ?' Est-ce que l'on décide un jour de chanter, ou n'est-ce pas plutôt
une longue et très belle maladie que l'on porte en soi sans parvenir jamais à en guérir tout à fait..."
Barbara, Il était un piano noir, mémoires interrompus

Barbara à Ostende, 20 août 1965, Jean-Pierre Lenoir


"Pantin espoir, Pantin bonheur,
Oh, qu'est-ce que vous m'avez fait là ?
Pantin qui rit, Pantin, j'en pleure,
Pantin, on recommencera !"

Barbara à Precy-sur-Marne, 1974, Benjamin Auger







Barbara rencontre le peintre Luc Simon (1924-2011). Passion amoureuse dans les années soixante
où les amants s'écrivent des dizaines de lettres. Mais Barbara écrit aussi : "Je n'ai pas le talent de vivre à deux."
(Coll. Jean-François Fontana)



"J'aime le travail en équipe, cette famille réinventée [...], les rires, les réconciliations, les attentions délicates au sein de cette troupe de nomades aimantés par le même objectif : réussir la fête d'un soir et la partager avec le public."






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BARBARA jusqu'au 28 janvier 2018
Philarmonie de Paris

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